Les publications au sujet de l’entrainement en escalade ne manquent pas. C’est un sujet souvent étudié et largement documenté. En revanche, pour ce qui est de la gestion du handicap et donc plus spécifiquement du handi-escalade, nous devons plus ou moins se débrouiller par nous-mêmes. Bienvenue dans le royaume de la compensation et de l’adaptabilité. Mais avant tout veuillez noter que :
- Tout ce que vous entreprenez est à vos risques et périls, vous agissez sous votre propre responsabilité.
- Vous avez potentiellement beaucoup à perdre et peu à gagner ; jugez donc bien si le jeu en vaut la chandelle et sachez connaitre vos limites
- Les quelques conseils et astuces qui suivent ne sauraient remplacer les conseils avisés d’un professionnel.
Ceci peut paraitre évident mais n’en est pas moins crucial. Certains peuvent, dans l’euphorie du moment, oublier que leur situation particulière de handicap demande une prudence adaptée. En fonction du handicap de chacun, le prix d’un engagement maximal peut être cher payé. Imaginez un instant vous blesser à votre seul bras valide, la situation pourrait se révéler plus que problématique par la suite.
L’escalade à haut niveau de manière générale n’est pas sans risques, même pour des personnes valides. Il faut, en outre, prendre en compte le fait qu’un handicap vous forcera à utiliser des mécanismes de compensation spécifiques qui entrainent des surcharges récurrentes (souvent asymétriques pour les amputés) sur certaines parties du corps. A long terme, ceci entrainera des blessures si aucune attention n’est accordée à la situation particulière du handicap.
Les Lois de la Physique (et de l’Anatomie) Triomphent Toujours
Voilà un concept qu’il est important pour tous de comprendre et d’accepter. En handi-sport plus particulièrement, il est commun d’entendre de grandes déclarations type « Les limites sont faites pour être repoussées » ou « Rien n’est impossible pour qui rêve suffisamment grand ». Bien que très à la mode sur instagram, il faut garder en tête que ces déclarations aux intentions louables, qui se veulent source d’inspiration et de motivation, sont simplement des métaphores et ne sont que partiellement vraies. Dans le monde réel, les individus ne sont pas des superhéros et possèdent tous des limites concrètes qui ne pourront jamais être déplacées. Les personnes possédant un handicap, comme les autres, doivent donc connaitre et accepter ces limites avec lesquelles ils doivent composer.
Prenons un exemple simple. Si vous grimpez avec un seul bras, celui-ci sera bien évidemment beaucoup plus sollicité que chez un grimpeur valide. En réalité, plus du double car votre escalade est alors plus dynamique et cause ainsi des pics d’intensité importants. Vous devez aussi plus souvent faire face à des déséquilibres, ce qui requiert un travail plus intense avec vos pieds. L’escalade est déjà être un sport traumatisant au niveau des mains, des bras et des épaules pour des grimpeurs valides ; dans votre cas, l’escalade à haut niveau et l’entraiment sur le long terme conduira nécessairement à des surcharges et à un risque de blessure associé. La physique ainsi que votre anatomie vous forcent à surcharger votre bras valide, qui n’est pas vraiment prévu pour ça. Il faut donc mettre en place des stratégies pour compenser cela.
Le concept derrière cet exemple peut être appliqué à de très nombreux handicaps. Toute forme d’amputation ou de déficience motrice qui entraine des charges asymétriques sur les chaines musculaires engendre des risques de blessure accrus. Si vous compensez un manque de souplesse par plus de force, vous concentrez vos efforts sur une partie du corps qui est, de fait, plus sollicitée. Il est important d’identifier quels sont ces muscles, tendons et articulations qui souffrent d’une sur-sollicitation, en vue d’en prendre particulièrement soin pour prévenir les blessures.
Identifier et Travailler Ses points Faibles
Alors, que peut-on faire ? Outre le simple concept de prudence décrit ci-dessus, il faut donc identifier quelles sont vos faiblesses, c’est-à-dire, ces zones du corps qui sont plus sollicitées, par rapport à un grimpeur valide. Il est possible, par exemple, qu’un coté de votre corps soit sur-chargé pendant l’entrainement à cause d’une amputation d’un membre ou d’une simple déficience de mobilité/motricité. Dans de nombreux cas, ces charges asymétriques entrainent des douleurs ; il est donc crucial d’être à l’écoute de son corps pour les identifier. Au bout du compte, l’important est d’arriver à mettre en place les bons exercices et les routines qui permettent de mieux adapter l’escalade à votre anatomie.
Pour ce type d’entrainement spécifique, l’aide de kinés et de médecins du sport s’avére extrêmement précieuse. Il y a également le livre ACT, pour Adjunct Compensatory Training, de Volker Schoffl (médecin et entraineur de l’équipe d’escalade allemande) Dicki Korb et Patrick Matros (tous deux entraineurs d’Alex Megos, entre autres) qui peut fournir de bonnes idées en ce sens et servir de point de départ. Le pdf peut être téléchargé gratuitement en ligne sur www.act.clinic. Le livre est écrit pour les athlètes valides mais traite des mécanismes de compensation et contient un chapitre à propos d’exercices d’entrainement dédiés spécifiquement aux blessures récurrentes en escalade qui peut directement être applicable au handi-grimpeurs. N’hésitez donc pas à y jeter un œil mais, comme précisé ci-dessus, n’oubliez pas que les conseils d’un professionnel restent vos meilleurs atouts.